Napoléon III, Empereur
Adhésion massive des Corses à la nouvelle France impériale. « Empereur social », il se heurte au libéralisme de son entourage, ainsi qu’à Victor Hugo et Emile Zola, mais parvient à moderniser la France en plus de vingt ans de gouvernance. La Corse tout autant, principalement en ses infrastructures et son économie. Une tentative d’industrialisation émerge de la société agro-pastorale d’alors.
1851 / 02 décembre / Coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte
Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Bonaparte, concentre tous les pouvoirs. Le 09 janvier 1852, soixante-dix députés sont bannis dont Victor Hugo. Le 21 novembre 1852, vote-plébiscite populaire positif concernant le rétablissement de l’Empire. En Corse, seulement quelques centaines de « non » pour près de cinquante mille « oui » ! Début du Second Empire (1852-1870). Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III et la République un Empire. Il s’entoure de nombreux Corses qu’il nomme ministres.
1853 / La criminalité est abordée par ses causes
On compte encore 228 meurtres en Corses en 1848, sans compter les tentatives. La criminalité corse relève alors d’un « problème social complexe » comme le souligne le rapport d’une commission ad hoc comprenant des Corses (Conti et Charles Abbatucci, respectivement ancien procureur général de la Corse et ancien vice-président du conseil général). Entre 1837 et 1848 le nombre de meurtres a doublé. La Corse est alors au premier rang des statistiques criminelles pour les atteintes aux personnes. D’importants moyens sont consentis à la gendarmerie et des résultats importants sont enregistrés, mais les criminels bénéficient encore souvent des asiles qu’ils trouvent « chez les habitants aisés et les maires eux-mêmes ». L’insuffisance des peines est considérée comme criminogène car « la loi pénale perd presque entièrement son pouvoir d’intimidation ». Le manque d’éducation et l’absence d’industrie sont également pointées du doigt.
1855 / 15 février / Naufrage de « La Sémillante »
Dans le dangereux passage entre la Corse et la Sardaigne, à proximité de Bonifacio. Aucun survivant. 301 marins d’équipage et 392 soldats des troupes françaises en Crimée périssent.
1860-1870 / Napoléon III Empereur des Français
Période emprunte d’une certaine stabilité en Corse. Garibaldi cherche à unifier l’Italie. Avec quelques Italiens et Corses, il espère que l’île redevienne italienne, en vain, vu le faible écho auprès de la population.
1860 / 23 février / Naufrage de la « Louise » devant le port de Bastia
Le steamer de la compagnie « Valery » essuie un grain face à l’entrée difficile du Vieux-Port de Bastia par gros temps. Le bateau coule à quelques dizaines de mètres du môle. Le drame fait cinquante victimes. La construction d’un nouveau port est urgente mais étonnamment contestée par une partie du Conseil Municipal lui préférant un aménagement du Vieux-Port.
1860 / Début du tourisme international en Corse et timide tentative d’industrialisation
L’hôtellerie corse prend son essor. Les touristes étrangers aisés, surtout anglais, commencent à sillonner l’Île de Beauté en se basant principalement au sud. Ils permettent ainsi à l’hôtellerie de luxe de devenir rapidement une composante importante de l’économie locale. Élitisme et mondanités vont alors de pair (le tourisme de masse débutera dès les premiers congés-payés en 1936).
On compte environ mille kilomètres de routes principales sillonnant l’île, et une soixantaine de relais de poste.
Des industries agro-alimentaires sont implantées à Bastia (pâtes), Corte (minoteries) ainsi que des tanneries et deux usines de tabac (Ajaccio puis Bastia). Des mines de fer, de plomb et d’argent sont exploitées à travers l’île, mais leurs rendements sont trop faibles et pas assez rentables. On ne peut pas à proprement parler d’expansion économique. Elle est de toutes façons bridées par les taxes d’exportation vers le continent (jusqu’en 1911) car les produits corses sont considérés comme provenant de « l’étranger » ! La malaria empêche la mise en valeur des plaines côtières agricoles pourtant prometteuses mais semblant éternellement insalubres. Pourtant, c’est là l’une des priorités du ministre bonapartiste des finances dès 1851, François-Xavier de Casabianca. Il plaide pour l’assainissement de 300 000 hectares de terres non cultivées en plaine orientale dans un rapport qu’il a soumis antérieurement à l’Assemblée Constituante écrivant alors que « la seule chose que je vous demande pour la Corse, c’est que l’on puisse vivre dans ses plaines ». Il s’attèle également au développement des ports d’Ajaccio et de Bastia.
La parenthèse anglaise d’Ajaccio
À la fin du XIXe siècle, l'Angleterre est étouffée par la fumée des usines de la révolution industrielle. Les riches anglais fuient vers des destinations comme l'Italie, la Riviera, la Grèce et la Corse pour échapper à la pollution. Leurs médecins recommandent d’ailleurs l’Île de Beauté comme station balnéaire hivernale. L'intérêt pour Napoléon attire aussi les touristes. La littérature de Flaubert, Mérimée et Balzac contribue à créer un imaginaire folklorique incitant les Anglais à visiter l’île. Le « Quartier des Étrangers » d'Ajaccio est construit dès 1863 spécifiquement pour ces visiteurs climatiques fortunés. La ville s’ouvre en abattant ses murs d’enceinte ce qui permet son extension. Le « château Conti » est l’un des premiers palais à être construit par un des proches de Napoléon III sur des terrains légués par le cardinal Fesch à la ville d’Ajaccio.
Le compagnie « Valéry », fort de ses bateaux à vapeur, se charge du transport des touristes depuis le continent.
Peu d’hôtels existent alors et les Anglais sont hébergés au début principalement chez l’habitant. Puis « l’Hôtel de France » voit le jour rapidement afin de tenter de capter l’argent de ces fortunés au très haut standing, habitués des palaces. Situé Place du Diamant il n’est pas aux standards exigés. D’autres hôtels bien plus luxueux vont alors prendre le relai sur le Cours Grandval, laissant hors d’atteinte les « hordes d’enfants sales » décrites par Miss Campbell dans ses « Notes sur l’île de Corse », richissime anglaise amie du préfet d’Ajaccio et amoureuse de la ville. Cette hôtellerie affiche complet durant des décennies. La mairie fait d’important efforts pour faciliter et agrémenter la vie de ces touristes particuliers représentant une manne financière conséquente. On plante ainsi fleurs et arbres sur Grandval. Une église anglicane payée par Miss Campbell y est édifiée sur un terrain communal spécialement cédé. De magnifiques parcs paysagés visitables en calèches sont créés avec la volonté d’apprivoiser la nature en y intégrant l’exotisme de plantes en provenance de continents lointains.
Deux mondes décalés se regardent alors. Ceux qui arrosent leurs tomates pour les manger et ceux qui arrosent de l’herbe pour la couper afin d’obtenir un gazon parfait. La cohabitation percutante est pourtant sans heurt et participe de la « Belle Époque » d’Ajaccio. De grands cafés s’installent le long des avenues. Des excursions et randonnées sont organisées au-delà de la ville, principalement vers Vizzavona (cascade des Anglais) pour bénéficier de l’engouement de la montagne et de l’alpinisme d’été. Des routes sont consolidées voire construites à ces fins.
L’économie de troc laisse la place au commerce organisé et stratifié. La ville gagne plus de vingt mille habitants en moins d’un siècle. Pour loger les nouveaux venus, de grands travaux d’adduction d’eau sont lancés dans les années 1870 pour faire venir les flots de la Gravona jusqu’au centre urbain. Les hôtels particuliers se parent de balcons et loggias tournés vers la mer et la lumière. Les espaces architecturaux séquencés remplacent les enfilades monumentales. Les références anglaises et italiennes créent le style architectural ajaccien. L’art de la flânerie urbaine se développe.
1898, arrivé en villégiature à Ajaccio du peintre Henri Matisse dans une pension de famille. Il peint cinquante-cinq toiles de la ville et des environs qui le mèneront vers le fauvisme. D’autres peintres tenteront alors leur chance et s’inscriront dans le commerce pictural local.
La Première Guerre Mondiale met un terme à ce tourisme de luxe ainsi que le manque d’infrastructures. Pas de théâtre, pas d’expositions ou de musées et les richissimes Anglais se lassent assez rapidement après avoir goûté aux merveilles naturelles de l’île. Des hippodromes sont alors aménagés et des meetings aériens sont organisés, mais ce n’est pas assez. Le casino d’Ajaccio arrive trop tard. Cette épopée touristique particulière prend fin au milieu du XXe siècle.