La Corse d’aujourd’hui
Le niveau de vie augmente mais avec une forte disparité. La Corse s’intègre fortement à la France tout en revendiquant sa propre identité. L’État bégaie et reste indécis face au tourments que représente l’Île.
1971 / Incendie qui embrase la région de l’Ostriconi (extrémité des Agriates).
Ainsi qu’une partie de la Balagne. Ce terrible incendie détruit la majorité des oliveraies et réduit en cendre l’économie du secteur. Au début du XXe siècle, les alentour du village de Lama comptaient 80.000 oliviers qui produisaient annuellement 92 tonnes d’huile.
1972 / Création de la Région Corse
Création de la Région Corse la séparant de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
1973 / Les « boues rouges »
Autre épisode marquant (voir « 1960 / Grève générale »). La société italienne « Montedison » déverse impunément, par bateau, des « boues rouges » au large du Cap-Corse. La pollution engendrée est importante. 3000 tonnes de déchets toxiques déversés par jour ! Il s’agit, entre autres, de dioxyde de titane (TiO2) et d’acide sulfurique nécessaires à la fabrication des vernis. La « Montedison », qui pèse alors 435 milliards de Lires, a affrété deux navires spécialement équipés pour faire ce sale travail. L’État italien donne son accord malgré les conclusions fortement négatives de ses experts en hydrobiologie. Des scientifiques de renom se lèvent contre les agissements du géant industriel. Même le Prince Rainier III de Monaco prend position. L’État français réagit pusillanimement et trop lentement (comme souvent lorsqu'il s'agit de la Corse) en considérant que les effets négatifs ne sont pas prouvés, alors que des cétacés meurent par dizaines et que les marins se brûlent les mains en remontant leurs filets ! La biologiste Denise Viale apporte la preuve de la toxicité de ces rejets, toujours sans réaction ferme des autorités. Les nationalistes décident alors d’agir. Ils dévastent la sous-préfecture de Bastia et six mois plus tard plastiquent le « Scarlino Secundo » bateau la « Montedison » le 15 septembre 1973 à Follonica en Italie… C’est la fin des « boues rouges ». La jurisprudence de la notion de « dommage écologique » est née des suites de cette action en 1974.
1975 / 21 et 22 août / Drame d’Aléria
Cet évènement intervient alors que la Corse est en profonde mutation économique et sociale et est secouée par des tensions politiques permanentes. Découlent du drame d’Aléria la consolidation et la structuration de la lutte nationaliste moderne. La clandestinité ultérieure est alors justifiée politiquement et, surtout, la rupture avec l'État est consommée.
Un viticulteur gérant la cave viticole « Depeille » est pris en otage. Celui-ci est un « Pied-Noir ». Précision importante car le Gouvernement a donné en 1964-1965 des terres corses à des rapatriés d’Algérie, sous forme de nombreuses adjudications de lots agricoles, sans réellement demander l’avis des insulaires qui se sont sentis lésés et dépossédés d’une partie de leur territoire. 16 des 18 lots fonciers du secteur de Ghisonaccia sont attribués aux rapatriés par exemple. Ils furent environ vingt mille à s’installer dans l’Île. En marge, rappelons qu’un cabinet de consulting de New-York, l’Hudson Institute, sollicité par les autorités avait en 1970 proposé un schéma d’aménagement de la Corse qui prévoyait « d’accélérer l’érosion et l’identité culturelle corse […] en encourageant une nouvelle immigration massive en provenance de métropole » …
La cave, proche d’une route nationale à flux important (RN 198) facilement accessible et médiatisable, est occupée par une vingtaine de Corses armés dirigés par Edmond Simeoni (médecin) qui déclare : « Il s'agit de dévoiler le scandale des vins mettant en cause le propriétaire de la cave et plusieurs de ses amis négociants. Après avoir bénéficié de prêts exorbitants, les responsables des caves vinicoles ont mis sur pied une énorme escroquerie de plusieurs milliards d'anciens francs, au préjudice de petits viticulteurs » et « je pense que quand on est en légitime défense, on a tous les droits. Il n'y a aucun esprit de provocation, ni aucun esprit d'aventurisme, mais il y a une volonté ferme désormais de ne plus céder un seul pouce ». En l’occurrence ce viticulteur n’est pas propriétaire des terres qu’il exploite car il les loue à des Corses et n’a bénéficié d'aucun prêt avantageux réservé aux rapatriés, apparemment refusées aux agriculteurs insulaires, mais a été condamné pour fraude à la TVA et est suspecté de chaptalisation de son vin. Cette pratique interdite, communément utilisée par les viticulteurs rapatriés dans les grands domaines, jette le discrédit sur l’ensemble de la filière viticole corse qui en souffre économiquement lourdement. Il faut une action marquante, nécessaire politiquement, pour révéler à tous le problème et fortement imprimer dans les esprits la détermination d’une frange importante de Corses opposés à la chaptalisation et aux décisions unilatérales de Paris. D’autres actions en ce sens avaient antérieurement été menées devant la mairie d’Aléria et la cave Cohen Skalli située à l’intérieur des terres et d’accès malaisé (détruite par un attentat à l'explosif en 1976) mais sans assez de médiatisation, de prise de conscience collective et étatique selon les combattants de l’ARC (Action pour la Renaissance de la Corse). Cette organisation exige la redistribution des terres de certains rapatriés fraudeurs à des Corses.
A Aléria les 21 et 22 août 1975 le déploiement de forces de l'ordre est jugé disproportionné par certains intervenants et de nos jours par des historiens (cf. ouvrage de Pierre Dottelonde, « Corse, la déflagration-Aléria, août 1975 », éditions Alain Piazzola, 2025). Environ 1 200 gendarmes, des CRS, des blindés et des hélicoptères sont engagés sous l’autorité de Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur à l’époque qui espère peut-être porter un coup fatal à l’ARC. L’organisation commence en effet à glaner l’assentiment de nombreux Corses.
Les forces de l’ordre lancent l’assaut le 22 août 1975. La fusillade dure trois minutes. On déplore deux morts du côté des gendarmes (l’un de 36 ans père de 4 enfants, l’autre de 20 ans célibataire), quatre autres blessés par balle parmi les forces de l'ordre et un manifestant très grièvement blessé (pied arraché par une grenade). L’auteur des deux tirs mortels n’a jamais été identifié. Les autonomistes sont autorisés à évacuer la ferme d’Aléria avec leurs armes. Edmond Simeoni, chef de l'ARC, se rend en déclarant que « conformément à ce qui a été décidé je vais me constituer prisonnier. Nos hommes sont partis la tête haute avec leurs armes, avec leurs équipements. Il faut s'incliner devant les victimes de part et d'autre, elles sont les victimes inutiles d'une lutte injuste. Pour notre part, le combat politique commence. Et je pense que cette lutte aura l'avantage de cristalliser l'opinion publique sur des scandales qu'on a voulu étouffer ». Il passera environ deux ans en prison.
Les deux camps se rejetteront ultérieurement la faute de ce bilan beaucoup trop lourd en donnant des versions contradictoires. Cette opposition armée directe avec l'État restera un acte isolé, hormis le meurtre d’un CRS tué d’une balle dans la poitrine à Bastia les jours suivants lors d’une émeute armée paroxystique provoquée par la décision du Conseil des ministres de dissoudre l'ARC. Émeute qui cessera lorsque les CRS répliqueront à balles réelles (le tueur du CRS passera six années sous les barreaux avant d’être gracié). Les attentats prendront alors le relais.
1976 / Création du FLNC
Le FLNC (Front de Libération National Corse) milite pour l’indépendance de la Corse, la défense de la langue et de la culture corse. De nombreux attentats sont commis durant les quatre décennies suivantes.
1976 / Les départements 2A et 2B sont créés
La Corse est scindée en deux départements : la Haute-Corse (2B) et la Corse-du-Sud (2A), en application de la Loi du 15 mai 1975. Leurs limites reprennent peu ou prou celles des départements du Golo et du Liamone de 1793.
1979 / Bastia subit les assauts de vagues impressionnantes
La jetée du port est une nouvelle fois sectionnée par des vagues violentes. Les réparations prennent des années et l’intervention de l’Etat se révèle nécessaire.
1981 / Réouverture de l’Université de Corte
Elle accueille environ 4 000 étudiants.
1982 / Statut particulier de la région Corse
Création d’un statut particulier régional.
1983 / Ajaccio est confirmée dans son rôle de capitale de la Corse
Par l’Assemblée de Corse qui choisit cette ville lors d’un vote (47 voix pour, 11 voix contre).
1991 / Loi « Joxe »
La Loi de Pierre Joxe du 13 mai 1991, ancien ministre de l’Intérieur et alors ministre de la Défense, établit un Conseil exécutif corse qui s’apparente à un gouvernement.
1992 / 5 mai / Effondrement de la tribune du stade de Furiani
17 morts et 2000 blessés. La tribune avait été montée à la hâte. La révolte gronde alors contre la recherche sans scrupule du profit lorsqu’en découle la mort de nombreuses personnes. Ces évènements marquent profondément la société corse dans son ensemble. Plus aucun match n’est désormais joué le 5 mai.
1998 / 6 février / Assassinat du préfet de Corse Claude Erignac
Assassinat du préfet de Corse Claude Erignac à Ajaccio.
Quarante-mille personnes dans les rues de Bastia et d’Ajaccio répondent à l’appel des femmes du « Manifeste pour la Vie » pour dénoncer cet assassinat.
1999 / Le préfet Bonnet entreprend une action illégale
Le préfet fait incendier par des gendarmes un restaurant de plage illégal ! L’action tourne au ridicule. Lui-même préfet, en avait-il assez que l’État soit si peu efficace dans l’application de ses propres Lois en ce domaine ? Toujours est-il qu’il est écroué et jugé en janvier 2002 à trois ans de prison dont un ferme, qu’il ne fera pas.
2014 / Le FLNC met fin à son activité
Il déclare qu’il est temps de passer à autre-chose en préférant l’action politique.
2015 / Projet de Collectivité Unique pour la Corse
Le projet devant fusionner la Collectivité de Corse et les conseils départementaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud est adopté par l’Assemblée nationale le 1er juillet 2015.
Les nationalistes et autonomistes sont élus aux élections territoriales. Gilles Simeoni est président de l’exécutif et Jean-Guy Talamoni est président de l’Assemblée de Corse.
2018 / Statut particulier de la Corse
▪ Depuis le 1er janvier 2018, la Collectivité de Corse possède un statut particulier. Elle s’administre elle-même selon la Loi, en remplacement de la Collectivité Territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.
▪ L’art des chants polyphoniques est désormais reconnu par l’UNESCO qui l’a inscrit sur la Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Il véhicule une image positive de l’Île à travers sa langue. Tout comme le cinéma corse et l’expression littéraire, en plein essor.
2023 / 28 septembre / Discourt du Président Macron
Le discourt, en rupture, du Président de la République Emmanuel Macron en date du 28 septembre 2023 à l’Assemblée de Corse laisse entrevoir une autonomie de la Corse plus large ainsi que son entrée dans la Constitution.